Anne Kerdraon et Patricia Plaud-Dilhuiti,
in « Résonnances de la vue et des sens, Approches critiques, œuvres de la collection du FRAC Bretagne »
Galerie Art et Essai Université de Rennes 2 2005
ref. Galerie Rhum 2003
« Rhum de Hervé Le Nost : symphonie cristalline en référence à Cendrars. Le verre, les verres à profusion, la chaleur, l’euphorie.
Le roman éponyme publié en 1958, à lire cul sec, narre l’histoire aventureuse de Jean Galmot, commerçant et politique en Guyane entre 1920 et 28, bourlingueur, alter ego de son auteur. La trajectoire fulgurante du texte-pamphlet, engagé, libre dans son écriture inspire Le Nost : les millions de litres de rhum naufragés-les verres sont au nombre de tous les députés et banquiers qui ont réussi à avoir la peau de Galmot – les sonorités de la langue créole, les reprises et répétitions en justifient la démultiplication.
La musicalité et le déferlement de la langue de Cendrars nous ramène aux avant-gardes : on pense toujours à la prose du transsibérien et de la petite Jehanne de France, œuvre à deux voix conçues avec Sonia Delaunay, dépliant vertical rythmique. A l’époque des inventions lettristes, des recherches menées par les futuristes sur les onomatopées et leur graphie, Cendrars écrit un « dernier manifeste futuriste » – contre Apollinaire. Ou encore sur le principe d’équivalence phonoplastique, un « sonnet dénaturé » dédié à Jean CoctO, OpOtetic :
Tu rOtes des rOnds de Chapeau pOur trouver un rime en ée-aiguë cOmme des dents qui grignOtteraient tes vers bOuche bée(…).
Orgues olfactifs, les verres de Rhum, dans leur pléthore, résonnent tel un glassharmonica. Le clavecin oculaire du père Castel a fait place au « Pianococktail » de boris Vian. »