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Le nomadisme baroque contemporain d’Hervé Le Nost

Christian Gattinoni, 2022
Texte publié sur le site La critique.org

 

Pour mieux appréhender cette diversité on doit se référer aux trois rencontres essentielles qui lui ont permis de mettre en place sa propre esthétique. Ces trois personnalités rares sont l’un des plus grands critiques du XX ième siècle, Bernard Lamarche-Vadel, qui lui a donné sa chance assez tôt, un représentant important de l’école anglaise de sculpture Richard Wenworth qui fut son enseignant et l’un des artistes les plus engagés dans l’aventure de l’image contemporaine, Antoni Muntadas, lors de son séjour pour la Villa Médicis Hors les murs à New York.

Dominique Marchès permet à l’artiste de revendiquer cette triple influence dans l’entretien qui ouvre cette publication. C’est l’occasion pour le critique de qualifier cette aventure artistique : « Hervé le baroque, une oeuvre composite et nomade. » L’entretien se poursuit sur l’usage spécifique fait des techniques de la céramique et du verre qu’il a expérimenté en France et à l’international, parallèlement à la photographie.

Le livre est construit en trois grands chapitres progressifs selon l’importance physique des pièces produites. Les petits assemblages révèlent d’abord une forme « d’intimité contenue. » Les sculptures et installations montrent la façon dont l’auteur procède à « une appropriation des espaces ». Plus ambitieuses encore les très grandes pièces produisent « un débordement des volumes ». Après l’introduction générale d’Isabelle Tessier à l’initiative de cette publication, chaque chapitre convoque à la fois un critique pour un point introductif complété par de courts témoignages d’artistes ayant collaboré avec l’auteur.

Pour les petites pièces, l’usage du verre lui permet d’agencer se singuliers « graffitis en trois dimensions », figures drolatiques pleines d’invention. Les porcelaines réunies en assemblage peuvent constituer « un étrange monde flottant » ou un fragile « jardin portatif ». Pour les oeuvres de petite ou de moyenne dimension le modèle générique de la tête humaine est très présent. La série créée à partir des vases Odetta en fait partie ainsi que celle des « Farfelus exotiques ».

En extension dans l’espace de la galerie ou du musée les installations sont composées de pièces réalisées avec des matériaux et des techniques très divers : verre, pvc, métal, éponge, aluminium, acier , bronze… La force plastique de cette oeuvre réside dans les variations pluri-artistiques où l’image photographique occupe un rôle central. De telles oeuvres peuvent prendre une dimension d’évocation de la nature comme pour « L’île » our trouver une dimension plus philosophique avec « Le tourbillon de. La vie » créé par lors de sa résidence au Quartier éphémère à Montréal.

Ses installations de grande dimension peuvent entrer en dialogue avec la musique comme dans « De concert » présentée en 2019 à la galerie du Temple de l’artothèque de Vitré. Les oeuvres les plus monumentales sont aussi les plus baroques. Eva Prouteau dans son texte critique « Les géants sont tombés » en voit la preuve « dans l’éclectisme des matériaux (…) dans l’empilement des temporalités (….) dans la variété des paysages qu’elle nous invite à traverser ». Ces oeuvres impressionnantes sont souvent la résultante de commandes, de résidences et sont dans leur majorité produites en extérieur.

Toujours en recherche dans les variations à l’infini des techniques comme des matériaux, Hervé Le Nost poursuit sa recherche nomade d’un baroque actuel multiforme aussi joyeux que tonique.

Texte de Feng Xi

Texte de Feng Xi,
Critique d’art, Commissaire d’exposition, Chine

En 2017, lors de la deuxième saison internationale des arts et de nouveaux médias qui s’est tenue dans l’ancienne ville de Longli, dans la province du Guizhou, en Chine, j’ai rencontré Hervé Le Nost. L’oeuvre “ Lanterne sentinelle” a été spécialement produite pour l’exposition. Hervé Le Nost est doué pour découvrir le réel, la vie. Les matériaux et leur traduction dans une réorganisation de la forme dans des récits. Il a utilisé les tuiles des toits locaux du Guizhou et le principe de construction des maisons de bois, qui est un matériau auxiliaire important dans la construction des maisons. Ces deux matériaux sont les plus courants dans les bâtiments résidentiels du sud de la Chine, ils permettent de construire en un bâtiment, une maison traditionnelle. Le bois devient la principale structure du mur de support, tandis que les tuiles remplissent la surface du mur extérieur. Le rapport symbolique de l’usage architectural de la maison et sa fonction pratique d’abriter du vent et de la pluie ont été repensées et inversées dans la vie quotidienne.

La relation entre la symbolique des tuiles, en plus des fonctions d’utilisation, ajoute des ondulations visuelles et un intérêt supplémentaire. Comme dans beaucoup de ses œuvres, Hervé Le Nost est doué pour utiliser des formes rondes comme langage visuel important pour relier les œuvres. Dans « Lanterne Sentinelle », il a peint les murs intérieurs de la maison à trois faces qu’il a élaboré pour représenter la couleur rouge qui symbolise le pouvoir de la gouvernance, et des découpes circulaires y ont été ouvertes. Le public peut utiliser ce trou d’observation circulaire depuis l’extérieur comme de l’intérieur de la maison, pour adopter des comportements interactifs tels que le dialogue, le visionnement et les jeux. De l’extérieur, les cercles des murs se présentent sous la forme d’yeux et de bouches. La structure en bois sur la surface de la surface est formée par le « Ninzizi » et « Humanzi », qui produisent ensemble un visage de dessin animé, les expressions présentées comprennent une intrigue vivante et humoristique. Le toit conserve également une découpe circulaire, nous permettant de regarder le ciel bleu, les nuages blancs et le ciel nocturne de l’intérieur de la maison. En construction la perspective de l’architecture d’Hervé Le Nost a brisé la nature conventionnelle de la maison et a construit une maison qui n’était pas construite pour y vivre. L’espace a abandonné l’expérience domestique de la vie quotidienne, il met l’accent sur le langage de la communication interactive, de sorte que les personnes qui entrent sont également proches de la nature et du présent, de la vraie vie.

Le style de langage distinctif est très courant dans les œuvres d’Hervé Le Nost. Il aime observer à travers la réalité en combinant avec la pratique, la recherche sur l’histoire de différents pays et régions, comme structure de texte idéologique pour le raisonnement, il brise la logique physique des sculptures et des installations, pour ré-épisser les relations linguistiques contradictoires entre l’usage rationnel et irrationnel de l’existence qui forment l’existant. Une toute nouvelle forme avec un sens de l’humour et de l’ironie à la fois. En plus de l’intention professionnelle de l’esthétique et du style, il voyage. Sa méthode d’élaboration, dans ses résidences, etc. est la méthode d’une enquête, recherchant la réalité derrière les comportements quotidiens tels que la culture, la politique et la vie dans divers pays ou régions. La logique de survie, collectant des matériaux locaux pour la création créative, est un artiste qui comprend très bien le contexte local, et peut avec précision. La transformation de la réalité et de la logique créative en une relation d’existence raisonnable, formant un art qui est distinctement personnel et maintient une perspective uniqueSystème de terminologie

Les géants sont tombés

Éva Prouteau,
Critique d’art

Formes naturellement sculptées, traversées de rides et de sillons en surface, fourmillant de cavités semblant créer des chemins et percer des ouvertures, rugueuses et pétries d’anfractuosités, les Pierres de Lettrés n’ont ni les couleurs étincelantes des pierres précieuses, ni la douceur des galets zen : les Chinois qualifient de « qi » (bizarres) ces pierres torturées qui auraient le pouvoir de condenser les forces telluriques primordiales. Au fil de ses résidences en Chine, Hervé Le Nost s’est beaucoup intéressé à ces rochers étranges, qui sont considérés là-bas comme des êtres vivants, au même titre que tous les existants de l’univers. Pour imaginer son exposition à Thouars, l’artiste a greffé ce premier référent à d’autres histoires qui s’entrelacent, modus operandi récurrent chez celui qui aime opérer des connections logiques autant que syllogiques à partir de rencontres fortuites, de matières à sculpter, d’archives textuelles et de documents photographiques.

Hervé Le Nost imbrique ici divers éléments biographiques, à commencer par une lettre de son grand-père, écrite dans les années 1920 mais portée récemment à sa connaissance. L’homme y évoque des arbres qu’on abat, et emploie cette formule lapidaire animée d’un souffle tragique : « Les géants sont tombés ». À ce moment-là, l’artiste récupérait justement un grand chêne creux mort, qu’il avait quadrillé et débité avec l’idée d’en faire une pièce. Dans le processus de cristallisation qui préside à l’exposition, il faut inclure également l’intérêt d’Hervé Le Nost pour l’art baroque, et notamment pour ce palais de Te réalisé par l’architecte Giulio Romano, dont une salle spectaculaire s’orne d’immenses tourbillons peints : la fresque se nomme La Chute des Géants. À cet élan hélicoïdal irrésistible, l’artiste associe enfin une oeuvre plus récente, le Monument à la Troisième-Internationale de Tatline, une sculpture éminemment liée à son contexte politique, qui met en scène sa dynamique ascensionnelle, et soumet radicalement tout l’espace alentour à ses propres jeux de tension interne.

À partir de ces multiples composantes que l’artiste télescope mentalement selon des cheminements singuliers, le scénario d’exposition prend forme. Dans la chapelle saint-sulpicienne de Thouars, écrin minéral blanc traversé par le chatoiement des vitraux, Hervé Le Nost vient perturber, alléger et distordre l’espace monolythe. Dans une installation pensée comme une scénographie globale, il articule des réductions de paysages qui ménagent une perspective de promenade. Une forme — métaphore du projet de l’artiste — sert de fil rouge dans ce parcours ponctué de détails : une pièce de puzzle surdimensionnée, qui symbolise les processus d’emboîtement et l’image d’ensemble à recomposer, apparaît au sol à plusieurs reprises, alternativement socle et sculpture plate.

À la croisée des deux travées, une pièce monumentale s’élève vers le ciel : elle se compose des billots de chêne creux, qui laissent circuler le regard dans la matière évidée. Pour soutenir l’assemblage, un dispositif en forme d’escalier se déploie sur un vaste plateau, lui-même disposé sur de multiples tréteaux de bois. Élévation feuilletée, qui entrechoque les angles aigüs et les cercles de croissance, l’aplat pictural et la couleur naturelle du matériau brut, cette immense construction dialogue avec un polyèdre de papier délicatement suspendu dans les airs, astre géométrique qui parachève ce fragment de paysage de sa présence lunaire. Dans la poésie chinoise, la lune se manifeste majoritairement dans sa forme pleine : elle joue le rôle d’un cercle parfait qui aurait le pouvoir de réunir les êtres séparés. En écho, Hervé Le Nost suggère au visiteur l’idée que l’oeuvre ouvre un espace de partage, et cette exposition aurait bien pu s’intituler : avec qui vais-je regarder la lune ce soir ?

Spatialisés dans la travée centrale, différents pôles animent le paysage en archipel, instaurant des jeux d’échelle et de perspective. Un îlot central abrite une sculpture métallique qui rappelle les architectures métabolistes¹, d’autres sculptures en céramique viennent corroborer cette sensation de micro-univers autonomes, entre corps organiques, miniatures architecturales ou fragments insolites de paysage naturel. Hervé Le Nost adjoint à cet ensemble un leporello² d’images posées sur socles, des images qui sont traitées comme des sculptures puisqu’elles sont obtenues par transfert photographique sur émail et céramique, et fusionnent la texture du grès avec la matière visuelle. Ce livre accordéon révèle une autre facette de l’oeuvre d’Hervé Le Nost, sa fabrique intime du regard : il contient des montages photoshopés à partir des photographies réalisées quotidiennement, une réflexion sur sa pratique artistique, son travail de sculpture, ses repérages et ses archives. À Thouars, ces photographies s’agrègent au gré de jeux de communication baroques pour créer des natures mortes incongrues, que le motif de la bulle de bande dessinée vient traverser. Ces bulles, phylactères ou nuages, soulignent cette idée d’échange : elles codifient les flux entre les objets représentés, comme si les choses se parlaient ou pensaient les unes aux autres et qu’il était possible de saisir ces interactions mystérieuses.

L’une des caractéristiques du mouvement baroque est, essentiellement dans les arts figuratifs, la surabondance et la mise en abyme de plis : de là l’emploi par Gilles Deleuze³ de l’adjectif « baroque » pour désigner la philosophie de Leibniz, dans laquelle chaque personne serait grosse de tout l’univers et pourrait être figurée comme un immense réseau de plis qui, s’ils étaient dépliés, la représenterait tout entière. L’exposition d’Hervé Le Nost pourrait bien s’apparenter à un tel réseau : dans l’éclectisme des matériaux qu’elle met en oeuvre, dans l’empilement des temporalités distinctes mais reliées qu’elle convoque, dans la variété des paysages qu’elle nous invite à traverser, elle traduit la richesse d’une pensée qui n’en finirait pas de se déployer joyeusement, toujours attentive à la partition du monde qui l’entoure, à ses perspectives d’envolées comme à ses chutes.

1 – Le Mouvement métaboliste est un mouvement d’architecture originaire du Japon de l’après-guerre, qui met en rapport les megastructures avec les principes biologiques de la croissance. La petite structure d’Hervé Le Nost pourrait s’apparenter à un célèbre immeuble de Tokyo, emblématique de l’architecture métaboliste : la Nakagin Capsule Tower de Kisho Kurokawa.

2 – Le leporello, ou livre frise, est un livre qui se déplie comme un accordéon grâce à une technique particulière de pliage et de collage de ses pages. Le mot fait allusion à Leporello, valet de Don Juan, qui présente à Donna Elvira la longue liste des conquêtes de son maître, pliée en accordéon, dans le premier acte de l’opéra Don Giovanni de Mozart.

3 – Gilles Deleuze, Le Pli, Leibniz et le Baroque, Éditions de Minuit, 1988.

Légendes des oeuvres exposées à Thouars :

Oh les beaux jours !
Photos décalcomanies sur émail, 2021
Production : Centre d’art La Chapelle Jeanne d’Arc, Thouars
Verres réalisés au Centre international d’Art Verrier, Meisenthal, 2020
Production : ?
Porcelaines, grès et faïence émaillée, Faïencerie Henriot-Quimper, 2020
Production : ?
plateau et tréteaux en bois, 210 x 220 x 80 cm

Paysages flottants
Carton, porcelaine émaillée, porcelaine, papier, 2018
Production ?
Sur bois découpé en forme de puzzle, 290 x 174 x 105 cm, 2021
Production Centre d’art La Chapelle Jeanne d’Arc, Thouars

Les géants sont tombés
Chêne creux et chêne lamellé collé, bambou, médium, 300 x 367 x 190 cm, 2021 Production Centre d’art La Chapelle Jeanne d’Arc, Thouars

Collé-serré
Carton gris, carton-plume, carton alvéolé en nid d’abeille, photos décalcomanies sur émail, serre-joints en fonte et cuivre, 55 x 60 x 80 cm, 2021
Production : Centre d’art La Chapelle Jeanne d’Arc, Thouars

Avec qui vais-je regarder la lune ce soir ?
Plastique, miroirs, corde, porcelaine en impression 3D, métal, carton, tige en fibre de carbone, polystyrène, papier, médium, 445 x 420 x 365 cm, 2020-2021 Production : ?
Production Centre d’art La Chapelle Jeanne d’Arc, Thouars

Natures mortes ?
20 photos décalcomanies sur émail, bois, 30 x 40 cm, sur socle en médium, 2600 x 650 x 270 , 2021
Production Centre d’art La Chapelle Jeanne d’Arc, Thouars

Labellisé « centre d’art contemporain d’intérêt national » par le ministère de la Culture, le centre d’art La Chapelle Jeanne d’Arc de la Ville de Thouars bénéficie du soutien du ministère de la Culture – Drac Nouvelle-Aquitaine, du conseil régional Nouvelle-Aquitaine, du conseil départemental des Deux-Sèvres, de la délégation académique à l’action culturelle du rectorat de Poitiers. Le centre d’art a bénéficié des fonds européens FEADER dans le cadre du programme LEADER Nord Deux-Sèvres.

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Le centre d’art La Chapelle Jeanne d’Arc est membre de d.c.a / association française de développement des centres d’art, de Astre, réseau arts plastiques et visuels en Nouvelle-Aquitaine et de BLA!, association nationale des professionnels de la médiation en art contemporain.

Graffitis en trois dimensions

Iam Yang,
Critique, Artiste Commissaire

J’ai rencontré Hervé Le Nost dans une ancienne faïencerie en Bretagne. Notre groupe de quatre personnes venait d’arriver à Quimper où il organisait justement une exposition pour sa résidence dans cette manufacture de faïence. Les couleurs des engobes émaillées de ses céramiques laissaient transparaître une certaine liberté désinvolte, des allusions riches de sens cachés, comme les murmures d’un poète ou des graffitis réalisés par une main assurée.

À la différence que les graffitis d’Hervé sont fabriqués à partir de matériaux multiples : ils sont en trois dimensions. Le plus souvent, ce sont des visages humains. Ils évoluent avec une désinvolture extrême à l’extérieur de tout autre style. Ils sont sobres comme des symboles, et semblent concentrer des éléments spirituels invisibles issus de traditions diverses.

Par la suite, j’ai pu admirer différentes évolutions d’Hervé dans cette direction : ces lanternes étranges faites de verre et de céramique, ces traits tissés à partir de bambous à Hangzhou et l’espace architectural de près de quatre mètres fait de briques et de bois qu’il avait installé à Longli dans le Guizhou. C’était un gigantesque visage de soldat. Mais, de loin, on y voyait toujours la liberté, la jubilation indicible et cette pointe de sarcasme qui sont l’essence même du graffiti.

Texte de Wang Dong

Texte de Wang Dong,
Conservateur Musée de Shenzhen, critique d’art, commissaire, Chine

En tant qu’artiste, la rencontre avec Hervé a d’abord eu lieu à Longli International New Media Art Festival. Pendant l’échange avec lui, je sens de plus en plus qu’un tel artiste avec une riche expérience a des médias et des matériaux créatifs si riches, Cette perspective unique n’est pas le dualisme traditionnel des «choses», ni la confrontation entre différentes origines et cultures. Vision et imagination, mais sa vision unique de la vie et de la vie quotidienne en tant qu’excellent artiste. Observation, perception nuancée et exploration continue des limites de l’art de la sculpture.

En tant qu’artiste plasticien français qui continue d’accorder une grande attention aux matériaux de l’art, Hervé Le Nost Au cours des dernières années de création artistique, les sculptures et les images ont été utilisées comme principaux moyens de création, et essayent d’utilise Une clé pleine de magie, explorant la transformation et le lien entre les récits bidimensionnels et tridimensionnels, puis présentant une expression artistique poétique. Derrière cette riche vision d’image, tout révèle dans la «sculpture» d’Hervé Le Nost que La compréhension de soi et la recherche de ce langage artistique traditionnel mettent également en évidence sa riche expérience de vie, son expérience personnelle sa mémoire. Parmi ses créations artistiques, il y a une oeuvre étroitement liée à la vie réelle, “Le tourbillon de la vie », et la pièce « Ile » liée à la nature, et le travail “arret sur Image », qui est emprunté au cinéma. Le médium de ses créations artistiques implique la sculpture, la photographie, l’installation et des matériaux créatifs qui sont directement liés à notre vie quotidienne. Des relations divisibles entre fil, carton, mousse, plastique, céramique, verre, etc. L’art est toujours issu de la vie réelle, ce n’est pas uniquement que les créations d’Hervé sont diverses et riches, mais que ses créations artistiques sont en réalité le reflet et le saut d’un esprit intéressant qu’il porte en lui.

Des étoiles au monde

Isabelle Tessier,
Directrice de l’Artothèque de Vitré, Commissaire

Depuis plusieurs décennies, l’oeuvre d’Hervé Le Nost s’articule autour de séries issues de procédés plastiques que sont l’assemblage, la sculpture, l’installation, le dessin, la photographie, la vidéo… associés à des techniques diverses telles que le verre et la céramique. Ces procédés, qui interagissent les uns avec les autres, émergent grâce à un archivage régulier de photographies dans lesquelles l’artiste puise pour créer sa propre « fabrique du regard ». Le cheminement du travail se structure par des combinaisons et des rapprochements avec les territoires de l’art et l’idée du chaos nietzschéen : « Il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante. »¹ Les pièces qui en résultent se situent à l’intersection de sources et de contextes qui les déterminent et en déterminent les variations. L’oeuvre englobe la complexité d’un monde qui entre en résonance avec la propre histoire de l’artiste et des formes d’écriture qu’il fait converger vers le champ des arts plastiques. Hervé Le Nost revendique le principe de farfelu, de rapprochements fortuits qui ont cette capacité de réduire les frontières de l’art et de la culture. Son intérêt pour les cultures populaires lui permet non seulement d’échapper aux modèles établis mais également de remettre en jeu et de réinventer des expériences qui placent sa pratique dans un équilibre précaire d’une richesse saisissante. Un univers s’ouvre sur une exploration de matières et de leurs potentialités grâce à des collaborations avec des ateliers tels que le Centre international d’art verrier (CIAV) de Meisenthal en Lorraine, Henriot-Quimper ou l’Institut de la céramique de Jingdezhen en Chine. De même, la musique lui permet de prélever des fragments de monde qui s’offrent à lui dès les années 70 et 80 lors de concert à Rennes. Durant cette période deux rencontres sont déterminantes : celle du critique d’art charismatique Bernard Lamarche-Vadel qui enseigne alors à Quimper, où prend naissance la revue Artistes, et celle de Richard Wentworth rencontré en Angleterre au Leicester Polytechnic School of Art. Avec le premier, qui l’invite à présenter ses sculptures dans l’exposition Ouvrir en beauté (1984), il tisse un lien d’amitié avec un sentiment fort de partage d’idée et d’affinité prolongé par la rencontre de nombreux artistes et critiques. Le deuxième, qui a joué un rôle de premier plan dans la nouvelle sculpture britannique à partir des années 70, lui a montré que des gestes modestes et une approche très libre, issus d’expériences quotidiennes, pouvaient modifier la définition traditionnelle de la sculpture et de la photographie. Pour autant Hervé Le Nost ne se sent pas appartenir à une famille si non à celles qu’il a constituées comme Odetta Family (2015-…), une galerie de portraits en trois dimensions qui reprend la forme des vases Odetta édités durant la période Art déco. Cette série, comme celles qui ponctuent son travail, fait partie d’une oeuvre qui porte en elle la force d’un paradoxe par l’aspect unitaire qu’elle revêt malgré une pluralité de matières, de couleurs, de supports, de formes… issues de gestes et de pratiques multiples.

1. Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Prologue, § 5, trad. Henri Albert.

Les assemblages du caméléon

« La terre,
sous mes pieds,
n’est qu’un immense
journal déplié.
Parfois une photographie passe,
c’est une curiosité quelconque
et des fleurs monte uniformément
l’odeur,
la bonne odeur
de l’encre d’imprimerie. »

André Breton, Poisson soluble, 1924.

Les personnages d’Hervé Le Nost prennent de multiples formes. Partout, on perçoit des regards, des rictus, des attitudes faites de marabouts ou de bouts de ficelles. Aux antipodes d’une représentation humaine, les objets semblent pourtant animés d’un souffle absurde et décalé. Ils exultent, prêts à éclater d’un rire grinçant. Ce réalisme n’est pas le fait du hasard. Chaque assemblage provient d’une rencontre entre l’artiste et une information extérieure : un film, une conte, une ville. La recherche se développe à partir d’une pratique déambulatoire et photographique. À l’affût, l’artiste glane structures, couleurs, matières et agencements observés autour de lui. Les photographies constituent un réservoir, une boîte à outils. Ce carnet de voyage est remanié lors de la seconde étape : la sculpture. Après avoir puisé dans son florilège d’images, Hervé Le Nost assimile, digère et ré-investit les formes dans l’espace. Les sculptures parfois monumentales se composent par empilement ou accumulation. Leurs modes de fabrication empruntent au bricolage une spontanéité devenue résistance. L’artiste s’engage dans un processus assumé de perte de contrôle. Aussi, la céramique, le verre ou le plastique sont autant d’outils déployés au même titre que la photographie elle-même. Les matériaux et les sujets sont détournés, déroulant une succession de corps étranges, parfois anthropomorphes. Par ces jeux formels, l’artiste explore sans cesse une infinité de possibles combinaisons. Il transfigures les échelles, les modes de représentation. Ici, on aperçoit la proue d’un bateau, là, le cabinet de curiosités d’un probable récit de science-fiction.

Déconstruction et reconstruction deviennent le leitmotiv de la pratique artistique. S’il renverse les codes de la statuaire classique, Hervé Le Nost renoue aussi avec la technique du modelage. Ses bustes et vases présentés sur des promontoires démantèlent les codes esthétiques. Dans un aller-retour constant entre les mondes du jeu et de la fête, maquettes et origamis côtoient puzzles et boules à facettes. Ces monstres trop colorés pour être effrayants prennent la forme d’un Puissance 4 géant, d’un Rubik’s Cube, d’un LEGO ou d’un canard gonflable. Les oeuvres sont des farces, des fictions inspirées tour à tour de la bande dessinée ou de la télévision. En 2014, Hervé Le Nost évoque la célèbre série Le Prisonnier. Au festival de l’Estran à Trégastel, il rejoue l’imagerie des années 1970 en réalisant le polyèdre qui hante le personnage principal, un agent secret britannique enfermé dans une mise en scène surréaliste. La symbiose de la culture dite « populaire » et de sujets historiques comme Les Songes drolatiques de Pantagruel ¹ de Rabelais, ancre la pratique d’Hervé Le Nost dans une rupture continuelle.

Enfin, il revient sur ses pas et investit l’espace public de sculptures joyeuses grandeur nature, catapultées par un esprit bizarroïde. L’imaginaire caustique aux couleurs tranchées côtoie les univers bétonnés des cités scolaires ou autres bâtiments publics. Dans un monde qui tend à développer les usages immatériels, Hervé Le Nost reste en première ligne de la matière modelée à l’infini. Il poursuit son irrémédiable envie de kitsch, de légèreté, de poésie fantasque.

Élise Girardot, critique d’art, janvier 2020

1. Les Songes drolatiques de Pantagruel constituent une série de 120 gravures publiées par Richard Breton en 1565 sous le nom, usurpé, de François Rabelais. Les planches représentent une série de figures hybrides, monstrueuses et grotesques, évoquant parfois les peintures de Bosch ou de Bruegel.

Entretien avec Dominique Marchès

Entretien avec Dominique Marchès,
Artiste Commissaire, Directeur Maison max Ernst.

Dominique Marchès.
Comme étudiant, tu as eu la chance de partager l’enseignement de Bernard Lamarche-Vadel. Au début des années 1980, celui-ci défendait une vision pluraliste, historique et internationale de l’art opposée à l’enseignement, souvent dogmatique, pratiqué à l’époque dans nombre d’écoles d’art où l’art conceptuel et analytique était dominant. Je me souviens de tes sculptures abstraites d’esprit déconstructiviste : des assemblages qui soudaient le minéral, le ciment, le plâtre, des bois de récupération et des couleurs vertement appliquées, dans une gestuelle débridée. La philosophie et poétique de BLV et ta pratique alerte et joyeuse de l’art semblent perdurer depuis quarante ans pour constituer l’oeuvre paradoxale qui te caractérise.

Hervé Le Nost.
Juste après le diplôme en 1983, en résidence à Cologne, j’y avais rencontré Bernard Lamarche-Vadel grâce à Barbara Thaden. Il m’a fait partager sa vision de l’enseignement de l’art, une remise en cause des modèles, il attendait des artistes une radicalité, l’invention de langages. Son écriture, je l’ai mieux connue à Paris en pratiquant sa bibliothèque. L’idée du paradoxe induit une réflexion sur la part du sensible et de la mise à distance dans le travail, l’imbrication de contraires ; cette réflexion, je l’adopte effectivement dans la conception
de mon travail.

D.M.
Ton oeuvre est traversée par des formes, des couleurs, des objets, des images, des figures qui empruntent et utilisent des matériaux, des supports, des techniques multiples, des arts du feu aux procédés numériques. Il en résulte des propositions qui font le grand écart entre sujets de mémoire, de cultures non occidentales, d’archaïsme… et des objets bien contemporains, anthropomorphes, voire usuels relevant de l’imagerie populaire. Par quel processus de pensée, de production, de rencontre, ce baroque s’impose-t-il ?

H.L.N.
Des étapes et des contextes fondent mon travail. J’ai grandi avec la décolonisation, Mai 68, la guerre au Vietnam… Le monde me parvenait en partie sur mon transistor, par les livres, la musique, les vacances, les cours de dessin du mercredi, les amitiés. Une adolescence marquée par la campagne, où je réside encore, m’a permis de vivre dans une ruralité que décrivent bien les films Farrebique, Biquefarre. Lors d’un séjour étudiant à Leicester, j’ai suivi le cours de Richard Wentworth qui renouvela mes repères, comme le fit plus tard la visite de monuments et jardins baroques en Allemagne, et en Italie. J’y ai aussi rencontré à Turin le contexte de l’arte povera. En 1988, avec le soutien d’Arman et de François Rouan, j’ai obtenu la Villa Médicis hors les murs à New York. Antoni Muntadas que je connaissais m’a fait découvrir alors la banque d’images de la Bibliothèque de New York. Cela a précisé le statut que je donne à l’image : elle peut être un support et une matière à concevoir en amont de mes projets. Mon baroque est composite, nomade, local, constitué de pays, de l’archipel des Antilles ; il définit un « usage du monde », porte une joyeuse défiance à l’égard des appartenances.

D.M.
Pour travailler la céramique ou le verre, tu voyages à la source ou à la rencontre de savoir faire proches ou lointains. La transmission et le partage des techniques traditionnelles seraient-ils de l’ordre d’une permanence artisanale, culturelle et universelle, opposée à l’immédiateté et l’immatérialité des valeurs productives d’aujourd’hui ?

H.L.N.
étudiant, je m’intéressais à ces matériaux proscrits, considérés trop artisanaux. Je les ai introduits dans mon travail avec des pièces en terre résinée en1987, puis en porcelaine pour l’exposition « Île, terre, eau, ciel » à ton invitation à Vassivière en 1994. Depuis 2010, j’ai testé leurs possibilités comme à l’Académie des beaux-arts de Chine à Hangzhou en 2017 et au Taoxichuan Ceramic International Studio à Jindezhen en 2018, et au Centre international des arts verriers à Meisenthal en Lorraine depuis 2012. Leurs temporalités incontournables les séparent de l’immédiateté, mais n’excluent pas des points d’intersection inattendus entre un cheminement et des lignes droites plus immatérielles en créant des rencontres fortuites. Mon travail s’appuie sur des étapes et des contextes constitués d’archives photographiques, de nécessités d’humour, de techniques lentes ou directes, de paradoxes…

Entretien de Hervé Le Nost par Sylvain Orhel

Bonjour Hervé, est-ce que vous pouvez nous parler de votre parcours et de votre travail?

J’ai étudié à l’école des Beaux-Arts de Rennes, puis j’ai obtenu une bourse d’artiste en Allemagne à Cologne avec l’Office Franco-Allemand de la Jeunesse. J’y ai rencontré Bernard Lamarche-Vadel  qui était critique et historien d’art, et ai beaucoup échangé avec lui autour de mon travail, ensuite, à Paris. J’ai toujours mené de front un travail de photographie et de sculpture, j’ai moins montré la photographie à un moment et maintenant je la juxtapose à mon travail de sculpture. Il y a une relation qui s’est progressivement établie entre mes photographies et mon travail de sculpture et les deux deviennent de plus en plus inséparables. Mon travail s’articule de séries en séries depuis 1983. Des séries qui déclinent des approches différentes de la sculpture. Je l’envisage comme un mode de déambulation sur le territoire de la sculpture autour de matériaux et de couleurs avec des approches très différentes d’une série à l’autre.

Les séries sont structurées par des pratiques différentes ?

Les premières séries étaient des pièces de béton recouvertes de couleur. Il y avait un travail de déconstruction, de reconstruction et de recouvrement du béton. Un travail dans l’espace dont on pouvait dire qu’il était influencé par les sculptures de De Kooning et en particulier les bronzes qu’il avait exposés à la Kunsthalle de Cologne, et que j’avais vu en 1983. Ensuite, j’ai eu des approches différentes qui passaient plus par la photographie. J’utilise la photographie comme un fond de données, de recherche de couleurs, de volumes et de possibilités pour la sculpture. À partir de ce fond, je réalise des pièces.

Les séries ne sont pas articulées par des thèmes fixes mais plutôt par des états et des découvertes personnelles. La série « arrêt sur image » par exemple est venue de la constatation que dans de nombreux films très différents, les réalisateurs utilisent un objet comme relais symbolique du jeu de l’acteur et du récit. Un objet qui cristallise le sens du film et en synthétise l’énigme. Je me suis donc approprié certains de ces objets comme le lustre du « salon de musique » de Satyajit Ray ou une licorne fabriquée par un policier dans Blade Runner, etc… Ayant retrouvé cette façon de faire chez plusieurs réalisateurs, j’ai présenté ces objets dans le cadre d’une exposition « mettre en scène » à Rennes. Toutes les pièces ont été des agrandissements de maquettes dans l’espace du TNB.

En fait mon travail s’identifie à cette idée de Nietzsche qui consiste à organiser son chaos et pour ma part à y déambuler. C’est quelque chose qui se crée à la fois dans et hors de l’atelier. Je suis sensible à la dimension conjoncturel, aux connections qui se font avec mes recherches du moment plutôt que quelque chose de plus programmé. J’aime bien l’idée de logique du hasard. Je cherche à garder une certaine liberté et une capacité à capter des rebonds à insérer dans mon travail. À New York, lorsque j’ai obtenu la bourse de la Villa Médicis hors les murs à l’invitation d’Armant, j’ai réalisé un travail d’enveloppes, appelé « fenêtre sur… ». J’avais juxtaposé des photographies avec des listes de morceaux de musiques entendues à la radio New Yorkaise. Il y avait donc une sorte de mode d’emploi qui rassemblait des cadrages de New York et des titres de morceaux connus. Ma dernière série sont des maquettes d’architecture inspirée des folies architecturales. Ce sont à la fois des architectures et des sculptures, très colorées. Pour moi il s’agit bien de créer des processus et des séries qui rebondissent des unes aux autres sans obéir à une structure déterminée en amont.

Comment vous travaillez avant de réaliser vos sculptures ?

J’ai tout un travail de collecte à partir de photographie et d’observations : toujours la déambulation. Et puis je rassemble ces informations à l’atelier. L’environnement et ses heureux hasards sont des choses auxquels je suis sensible et que je m’efforce de capter. Par exemple à Nancy, pour une commande publique dans une école d’ingénieur, j’ai trouvé dans une salle, un grand tableau couvert d’équations avec un petit point d’interrogation au bout. C’est cet objet que j’ai sérigraphié et placé dans l’école avec des fenêtres qui le cadraient et le mettaient en perspective. Il y a un jeu de sensibilité, de réceptivité aux éléments et à l’environnement qui me paraît crucial. En ce sens, je pense qu’il y a aussi un rapport à la poésie dans mon travail. J’ai par exemple réalisé une série qui s’appelle « phosphène » à partir de l’observation de la chambre des époux de Mantegna, qui peignait et plaçait ses personnages dans le paysage comme des statues posées . Ce sont des citations, des clins d’œil, une façon d’observer les choses qui me ramènent à la sculpture. Je fonctionne avec un œil exercé à reconnaître la sculpture là où on la discerne pas forcément immédiatement. Avec l’aide de la photographie, je cherche la sculpture dans la vie pour la ramener à moi. En me promenant dans la rue, je vois des choses naturellement posées qui pourraient être des sculptures d’autres artistes. Ce regard, c’est avant tout ce que j’essaie de transmettre aux étudiants, et il demande une culture plastique minimale. Pour ma part, je ne pourrais pas conduire mon travail sans me positionner par rapport à l’histoire de la sculpture, aux ruptures et aux continuités dans lequel on peut inscrire son travail. Pour moi, ce regard conduit le geste du sculpteur.

« Arrêt sur images », « Fenêtres sur… » : le cinéma vous inspire ?

Oui je pense qu’il y a une relation assez forte entre la sculpture et le cinéma. D’ailleurs Mellies l’avait tellement vu qu’il animait des sculptures, des cartes à jouer et de nombreux objets dans ces films de prestidigitation. C’est d’ailleurs quelque chose que Dominique Païni a clairement formulée dans son exposition sur Hitchcock avec le verre de lait dans Soupçons autour duquel s’articule toute l’intrigue du film. Et donc oui, je suis intéressé par la photographie, la sculpture et le cinéma et j’ai envie que mon travail soit un parcours qui déambule sur tous ces territoires. Il y a une phrase de Bachelard qui m’a toujours accroché, dans la poétique de l’espace : “chacun devrait dire ses bancs, ses allés, ses haies, chacun devrait décrire la cartographie de ses campagnes perdues“. Cette phrase-là, comme l’organisation du chaos de Nietzsche ou “la structure ou la mort“ déclaré par Lacan résonnent en moi et influencent mon travail. C’est pour cela que je ne me sens ni exclusivement photographe, ni sculpteur, ni même peintre, alors que je travaille beaucoup la couleur. Pour moi ce sont des medium différents pour une même quête transversale.

Films, musiques pops : vous composez une cartographie qui n’est pas seulement personnelle mais qui a aussi un lien avec l’époque ?

Oui tout à fait. Je cherche à confronter l’époque à mon univers personnel et à la confronter à l’héritage de l’histoire de la sculpture avec des sculpteurs comme Le Bernin ou Rodin, qui sont des artistes importants en tant que tel pour un sculpteur, ou des parrains plus personnels comme Picabia, Joseph Cornell et beaucoup d’autres. Effectivement une des question que j’essaie de poser dans mon travail c’est comment pouvoir faire de la sculpture et quel type de pratique cela demande à notre époque. Mon interrogation sur la dimension contemporaine de la sculpture est centrale.

Il y a une dimension de critique, de politique dans votre travail ?

C’est certainement critique et donc politique, même si ça ne saute pas aux yeux et que l’humour permet aussi de prendre un peu de recul. Plutôt que frontalement, c’est par un positionnement de circulation et de mouvement que j’exerce cette critique. J’utilise beaucoup le bricolage. C’est aussi une économie, ça peut-être la récupération de matériaux, mais aussi l’intégration d’objets neufs manufacturés. J’ai certes pu travailler avec des entreprises pour la commande publique, mais le bricolage est aussi une position que je me donne pour créer hors d’un système économique à la fois plus coûteux et plus standardisé. Je pense que le bricolage apporte des trouvailles et porte son génie propre. On peut se référer au texte de Levi-Srauss. L’utilisation dans une certaine mesure du kitsch dans mon travail est aussi une position et un rapport à l’époque et son économie. On peut penser au texte de Greenberg sur le kitsch, qui explique l’introduction de ce kitsch dans le quotidien de chacun depuis le XIXème siècle.

C’est certainement critique et donc politique, même si ça ne saute pas aux yeux et que l’humour permet aussi de prendre un peu de recul. Plutôt que frontalement, c’est par un positionnement de circulation et de mouvement que j’exerce cette critique. J’utilise beaucoup le bricolage. C’est aussi une économie, ça peut-être la récupération de matériaux, mais aussi l’intégration d’objets neufs manufacturés. J’ai certes pu travailler avec des entreprises pour la commande publique, mais le bricolage est aussi une position que je me donne pour créer hors d’un système économique à la fois plus coûteux et plus standardisé. Je pense que le bricolage apporte des trouvailles et porte son génie propre. On peut se référer au texte de Levi-Srauss. L’utilisation dans une certaine mesure du kitsch dans mon travail est aussi une position et un rapport à l’époque et son économie. On peut penser au texte de Greenberg sur le kitsch, qui explique l’introduction de ce kitsch dans le quotidien de chacun depuis le XIXème siècle.

Mais dans les constituants de mon travail, il y a également une mise à distance par la pratique d’une forme d’humour. D’ailleurs, je pense que l’humour est aussi un élément très important de l’enseignement. L’humour est souvent salvateur. Le maître au milieu de son atelier, cela fait un peu sérieux et triste. L’humour fait donc partie à la fois de mon enseignement, en même temps qu’il est un des moteurs de mon travail personnel.

Le débat figuratif/non figuratif il vous paraît pertinent dans le champ de la sculpture ?

Franchement je ne pense pas. La figuration est peut-être moins directe, plus sophistiquée aujourd’hui. Elle passe peut-être d’avantage par le signe, mais elle reste très présente. Quand j’étais étudiant, il y avait en permanence ce débat dans l’école entre les figuratifs et les non-figuratifs ou abstrait, mais finalement ça ne me paraît plus vraiment d’actualité. Il y a bien sur beaucoup d’artistes qui sont dans une épure géométrique et abstraite, mais moi je n’ai pas du tout cette approche, ce qui ne m’empêche pas de m’y intéresser ! Je pense qu’on peut se saisir de tout pour construire son propos, et que c’est le propos qui compte plus que le strict registre d’expression.

« Fenêtres sur … »

Fort-de-France 2007

Ces photographies appartiennent à un ensemble commencé en Guadeloupe à Pointre-à-Pitre et continué en Martinique lors du workshop organisé par l’association « La distillerie » et Christian Bertin.

J’ai cadré, au cours de mes déambulations, des fragments de la ville de Fort-de-France, du quartier Tremel-Citron comme je l’avais déjà fait au paravent à Montréal ou à New York. Des éléments architecturaux décoratifs caractérisent la ville. Les surcharges signalétiques, les volumes de l’architecture sont récurrents dans les villes quels en fût la latitude.Ils constituent un ensemble d’éléments qui activent par le jeu du regard et du cadrage les paramètres usuels de la sculpture et de l’espace.

Je reconstitue ainsi un parcours de fragment à fragment, ceux d’une ville qui ne serait qu’une périphérie métropolitaine touristique pour les uns pendant que d’autres la pensent comme un centre insulaire vivant. Les formes, les couleurs, les fonctions des bâtiments, les caractères des mots me livrent des indications essentielles sur ce contexte insulaire, post-colonial riche de sa propre histoire et tourné à la fois vers la métropole et les Amériques.

J’ai choisi un format carré, il cadre de manière serrée ces cibles du regard, ces vues anecdotiques qui appartiennent au champ de la vision, à ces fenêtres sur la ville.

 

Hervé Le Nost

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